“La Suède, ce pays qui dit «non» au plan de relance post-coronavirus” Par Rfi – Date 19/06/2020
La Suède, comme l’Autriche, les Pays-Bas et le Danemark fait partie des quatre pays dits « frugaux » opposés à la proposition inédite de la Commission européenne qui sera discutée lors du Conseil européen de ce vendredi 19 juin.
Les subventions, c’est non. Ce n’est pas la taille, gigantesque, du plan de la commission (750 milliards d’euros en subventions et 250 milliards en prêts), ce n’est même plus le principe d’un endettement commun aux Vingt-Sept, pas majeur et inédit, qui pose problème, mais bien l’idée de don.
Dans les couloirs à la moquette épaisse du Parlement à Stockholm, c’est simple : le sujet fait consensus, à droite comme à gauche. Assise sur un canapé à côté des grandes baies vitrées qui laissent amplement passer les rayons du soleil intense de ce mois de juin, la députée chrétienne-démocrate Acko Ankarberg Johansson, cheffe de la commission des Affaires sociales du Parlement explique fermement: « Nous, en Suède, nous pensons que c’est mieux de travailler avec des emprunts, parce que si on choisit le modèle des subventions, il y a un risque que certains pays croient que tout est possible, et que d’autres vont payer à leur place ».
Dans ce pays qui se targue d’une excellente gestion budgétaire, la crainte d’une course en avant vers toujours davantage de dépenses incontrôlées des pays « cigales » est un argument classique et très efficace dans l’opinion. « Il y a un problème de confiance » admet Cecilia Malmström, une des rares voix dans le pays à militer en faveur du plan de la commission. « Je le comprends et le partage, dit l’ex-commissaire européenne à la Concurrence, parce que la Grèce ou l’Italie ont négligé pendant des années de faire le nécessaire et n’ont pas toujours tenu leurs engagements ».
« La Suède est un pays solidaire »
Pas question pourtant pour le gouvernement au pouvoir (une coalition minoritaire entre les écologistes et les sociaux-démocrates) de laisser s’installer l’image d’un pays égoïste et dur envers ceux qui ont pris de plein fouet la violence de l’épidémie: « la Suède est un pays solidaire » insiste d’emblée Fredrik Olofsson, député social-démocrate. « Nous sommes depuis toujours un contributeur net, et pendant la crise financière nous avions accordé en plus des prêts bilatéraux à des pays très touchés comme l’Irlande. Pendant cette crise, nous n’avons pas mis en place des restrictions d’export pour le matériel médical de protection [NDLR : ce que l’Allemagne a fait]. Mais ce qui est important pour nous, c’est que l’argent soit utilisé efficacement. Et s’il est bien utilisé, alors il est possible de le rembourser ».
Un argument que jusqu’ici Cécilia Malmström a toujours fait sien, mais pas cette fois ci. « C’est un moment exceptionnel dans l’histoire de l’Europe, avec des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de chômeurs, des faillites qui commencent, c’est maintenant qu’il faut se montrer solidaires, parce que si l’Europe ne sort pas plus forte de cette crise, tout le monde aura des problèmes » répète cette libérale de conviction dans toutes les interviews qu’elle donne dans les médias suédois.
« Il faut sortir du groupe des avares ça n’est pas très constructif »
L’ex-commissaire reprend l’argumentaire d’Angela Merkel « l’Allemagne s’en sortira bien si l’Europe va bien ». Avec un peu plus de 5 000 décès dans un pays de 10 millions d habitants, la Suède est très touchée par le coronavirus : cinq fois plus que chez son voisin danois et jusqu’à dix fois plus qu’en Norvège. Elle n’a pas décidé de confinement strict, sans réussir à protéger son économie, très dépendante des exportations, qui dégringole. La récession qui commence la touchera très fortement. « Il faut sortir du groupe des avares ça n’est pas très constructif » insiste Cecilia Malmström.
En réalité, personne ne croit que la Suède ira jusqu’à poser son veto au plan de la Commission. Elle tentera d’obtenir le plus possible de conditionnalités, comme la garantie que l’argent sera bien utilisé pour les priorités européennes : la reconstruction d’une économie plus soutenable pour l’environnement par exemple. Et puis, il y a en parallèle les négociations pour le budget européen qui laissent un espace à la négociation.
« Nous avons une grosse augmentation du chômage en Suède, l’impact de la crise du coronavirus est très fort, donc la perspective de donner plus, c’est très dur pour nous » dit Fredrik Olofsson, député social-démocrate. Une manière de dire en creux qu’un rabais à la contribution suédoise au budget européen pourrait permettre de faire bouger les lignes.
Source : Rfi.